PéROU – Ce n’est plus le Pérou
PéROU – Ce n’est plus le Pérou

PéROU – Ce n’est plus le Pérou

ÉROU – Ce n’est plus le Pérou !

par Máximo Kinast

vendredi 21 décembre 2018, mis en ligne par Françoise Couëdel

16 décembre 2018.

La situation au Pérou ? Lamentable comme celle de bien des pays dans le monde. Difficile, mais il y a ausi des gens honnêtes.

La culture andine de la minka (travail collectif volontaire au profit d’un membre de la communauté) ; de l’ayni (dette que contracte ou assume le bénéficiaire de l’action solidaire de la minka et qui l’oblige moralement à rendre l’aide reçue, même si elle n’est pas quantifiable ni personnalisée) ; de l’ayllu (peuple ou nation, ou lieu de vie en communauté) et la conception de l’espace temps einsteinien, comme le « ici et maintenant », joints à une aptitude à la solidarité et l’honnêteté, s’opposent à la corruption généralisée et acceptée comme normale dans les villes de la côte.

Cela nous a permis de renverser le fuji-aprarisme, les deux clans mafieux qui contrôlent (ou contrôlaient) le pouvoir législatif (les fujis) et le pouvoir judiciaire (Alan García). Mais cela peut être une victoire à la Pyrrhus. Une atomisation s’est opérée au sein des bandes ou des familles mafieuses. Nous n’avons pas de Pablo Escobar. Mais nous avons des douzaines de petits Pablo qui contrôlent la plantation, l’agriculture, l’élaboration de la « pâte de cocaïne », le transport et la sortie du pays de la coca. Nous sommes le premier producteur mondial de coca avec le feu vert de la DEA, de l’armée péruvienne et la bénédiction de Keiko [Fujimori] et de Alan [García].

Il existe d’autres mafias, comme celle des mines illégales, qui s’empare de l’or, ne paie pas d’impôts, maintient des enfants en esclavage, déboise la forêt et pollue fleuves et rivières. Il est facile d’affirmer qu’elle déboise mais il est difficile de faire comprendre à un être humain quelque part dans le monde que cela l’affecte car cette forêt produit le quart de l’oxygène que respire l’humanité.

Et les compagnies forestières illégales, qui abattent des arbres centenaires, assassinent et pourchassent les communautés indiennes qui protègent ces arbres et veillent sur eux, arbres qui, à leur tour, fixent la maigre couche de terre fertile, que les pluies dévastent en leur absence ; la forêt se raréfie et la production d’oxygène diminue…

D’autres mafias de moindre envergure, comme celles qui pratiquent la traite d’esclaves, le trafic d’animaux exotiques, volent des terres, sans compter les grandes compagnies minières qui investissent dans la Responsabilité sociale (autre forme de mensonge socialement acceptable), parce que nous sommes un pays minier…

Le pire c’est que nous sommes dans un système démocratique, légal et constitutionnel pervers, déloyal. Il existe un délinquant qui a des enregistrements audio compromettant sur la bande des Cols blancs du Port, qui a menti sur ses études et qui historiquement a été à la solde de la juge au service de Montesinos.

Ce délinquant est le Juge suprême du Pérou. Il a été élu grâce à son vote plus celui de deux autres juges membres des Cols blancs. Tout cela dans la légalité. Tout cela à l’intérieur du système. Tout est correct, mais c’est un délinquant qui protège de manière éhontée Alan et Keiko et qui essaie de déloger de leurs postes les juges honnêtes qui enquêtent sur eux, pour les remplacer par des Cols blancs.

Keiko a obtenu légalement 73 membres du Congrès au cours des élections les plus corrompues de l’histoire. Trois personnes, membres de l’Office national du processus électoral (ONPE) au cours des dernières élections présidentielles, ont jugé et condamné deux candidats (par deux voix contre une) à retirer leur candidature, en raison de fautes que Keiko avait également commises. Puis ils ont abaissé le seuil minimum de voix pour que l’APRA (Alliance populaire révolutionnaire américaine) ne disparaisse pas de la vie politique car il était évident qu’elle n’atteindrait pas les 7% minimum de voix requises.

En clair, deux personnes ont empêché des millions de Péruviens de voter pour leurs candidats.

La loi D’Hondt, bien connue, perverse, a donné plus de 80% du Congrès à Keiko, avec moins de 30% des voix. Mais tout est légal, tout va très bien, comme dans le conte « Le roi est nu », mais l’enfant qui nous dit que le roi est nu ne se manifeste pas.

Les kongressistes (avec un k, ça fait mieux), élus dans leur grande majorité, ont une feuille de route au lieu d’un curriculum vitae. Un large pourcentage des fujimoristes n’a même pas fait l’école primaire et a menti sur ses études (bien qu’ils n’avaient pas l’obligation de déclarer leur niveau d’étude). Un autre pourcentage est redevable de pensions alimentaires. Certains ont des liens avec des bandes de narcotrafiquants ou des individus qui spéculent sur les terres…

Un ex Secrétaire général du fujimorisme, accusé de falsifier des écoutes et qui a proposé publiquement d’en finir avec une grève en tirant sur les manifestants, est membre du directoire de la Banque centrale de la Réserve du Pérou.

Cela n’a rien d’étonnant, car la première chose qu’ils ont faite en arrivant au Kongrès a été de placer au maximum dans toutes les institutions publiques des délinquants de leur clan. Le Juge Domingo Pérez les accuse de constituer une bande de criminels au sein du Parti. La vérité est que tout le parti est une bande de criminels. Mais il nous manque l’enfant qui dise que le roi est nu. Tout est légal mais tout n’est qu’un énorme mensonge.


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://www.politika.cl/2018/12/16/peru-ya-no-vale-un-peru/